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mercoledì 27 giugno 2012

BEPPE GRILLO VISTO DALLA FRANCIA


Beppe Grillo : « Sarkozy est plus dangereux que Berlusconi »

Augustin Scalbert | Journaliste Rue89

Figure de l’opposition citoyenne, l’humoriste tient le plus gros blog d’Italie et multiplie les actions choc. Grand entretien.


Beppe Grillo, humoriste italien (Audrey Cerdan/Rue89)
Imaginez un humoriste français que le Premier ministre évoquerait pendant cinq minutes à la télévision. Un artiste engagé dont le blog se classerait juste derrière les sites du Figaro et du Monde en terme de fréquentation, et parmi les vingt premiers blogs de la planète.
Un homme qui aurait rassemblé suffisamment de petits actionnaires de France Télécom pour s’inviter au conseil d’administration et demander aux dirigeants de rendre leurs bonus et leurs stock-options. Un type capable de faire descendre des centaines de milliers de personnes dans la rue autour d’un mot d’ordre adressé au Parlement : « Va te faire foutre ! »
Le tout, sans avoir fait la moindre apparition à la télévision depuis près de vingt ans. Cet homme existe, mais en Italie. Il s’appelle Beppe Grillo, né Giuseppe il y a 61 ans près de Gênes. En 1993, sa dernière apparition à la télé italienne (une retransmission de spectacle) a rassemblé 16 millions de téléspectateurs. Record inégalé depuis.

Une seule rencontre avec Berlusconi... qui voulait l’engager sur ses télés

Beppe Grillo est interdit de télévision dans son pays pour avoir, en 1987, fortement sous-entendu que le président du Conseil d’alors, Bettino Craxi, était corrompu. Depuis, Craxi a été condamné à 27 ans de prison, puis est mort. L’un de ses successeurs, Romano Prodi, a répondu à Beppe Grillo qui le surnommait « Valium » :
« On ne dirige pas un pays comme si c’était un spectacle comique. »
Beppe Grillo et l’actuel président du Conseil Silvio Berlusconi se sont rencontrés une seule fois, au début des années 80. Grillo, son diplôme de comptable en poche, commençait à sérieusement percer comme humoriste à la télévision. Choqué par la somme faramineuse que le « tycoon » lui proposait pour rejoindre sa chaîne privée, le comique a décliné.
Ce week-end, Beppe Grillo était à Paris pour donner son dernier spectacle, pris d’assaut par la diaspora italienne en France. Rencontre volubile et désordonnée dans le salon d’un palace près de l’Etoile.
« Avec Berlusconi, les Italiens sont anesthésiés »

Comment fonctionne votre blog ? C’est le premier blog d’Italie ?

Oui, mais ce n’est pas vraiment un blog. J’ai commencé à écrire, j’ai créé un forum de discussion, puis le site est devenu un point de référence pour la contre-information. Aujourd’hui, c’est le troisième site d’information en Italie derrière ceux du Corriere della Serra et de la Repubblica.
Il y a quatre personnes qui travaillent à plein temps dessus, alors que les sites de ces journaux emploient au moins 70 personnes chacun. Nous publions chaque jour deux articles et trois commentaires écrits par des spécialistes d’un sujet. Nous avons publié des contributions de prix Nobel comme Joseph Stiglitz,Dario FoMuhammad Yunus, ou d’intellectuels comme Jeremy Rifkin ou Lester Brown.
C’est le cinquième anniversaire du site, et nous avons 300 millions de pages vues depuis le début ; nos vidéos sur YouTube ont été visionnées 60 millions de fois. Nous faisons une version imprimable qui est téléchargée environ 450 000 fois. Il y a des versions anglaise et japonaise, mais pas française parce que ça demanderait un budget trop important. Je ne gagne pas d’argent avec ce site.

Initialement, vous êtes un comédien de stand-up. Quand avez-vous commencé à prendre des positions citoyennes, et pourquoi ?

C’est quand j’ai commencé à être boycotté par la télévision. Je me suis posé des questions sur l’économie, les flux de marchandises, pourquoi on buvait à Palerme de l’eau venue de Milan et inversement... Il y a cinq milliards de tonnes de marchandises qui circulent chaque année dans le monde, en utilisant un milliard de tonnes de pétrole.
C’est la finance qui fait fonctionner tout ça. C’est un cycle perpétuel et stupide, infernal.
A force de se concentrer sur le PIB, on a créé la crise que nous subissons aujourd’hui. La question que je me pose, c’est « pourquoi ce cycle » ?

En 2006, vous avez lancé une « OPA à la gênoise » sur Telecom Italia. Qu’est-ce que ça a donné ?

On a lancé ça comme une provocation, et on a arrêté parce que l’entreprise allait très mal et qu’on aurait pu en prendre le contrôle, ce qui n’est pas notre rôle. Comme beaucoup d’entreprises italiennes, Telecom Italia a été vidée de l’intérieur, les gens ont été licenciés, c’est devenu une coquille vide.
J’ai fédéré des petits actionnaires, qui représentaient au total 1,5% du capital, contre 0,8% pour l’administrateur. Puis je suis venu à un conseil d’administration, et j’ai dit aux administrateurs : « Toi tu es malhonnête, et toi aussi, et toi aussi. Rendez les bonus et les stock-options ! »

Si aujourd’hui, comme vous le dites, les gens ont accès à une information différente, une contre-information grâce à des sites comme le vôtre, comment expliquez-vous que Silvio Berlusconi ait été réélu ?

[Longue hésitation] Parce que... Parce que... Parce que les Italiens sont anesthésiés. Berlusconi a quatre journaux et sept télévisions en comptant les publiques et, au final, la diffusion d’Internet n’est pas encore complète. Et puis c’est aussi l’ADN de l’Italie. Chaque Italien a un peu de Berlusconi dans son ADN.
« Berlusconi n’existe pas, c’est un hologramme »

Vous aussi, alors ?

Oui oui. Moi je sais qu’en fait, Berlusconi n’existe pas. C’est un hologramme. C’est un spot publicitaire, une belle vitrine de magasin. Quand ils passent devant cette belle vitrine, les gens disent « Oh la la, qu’est-ce que c’est beau ! » Puis il entrent, et constatent qu’à l’intérieur, il n’y a rien.
D’ici deux ou trois ans, Berlusconi ne sera plus là. Il aura disparu, comme un hologramme. Et on verra que son bilan, c’est que l’économie, la politique, la justice sont par terre. En moins de dix ans, il aura tout mis par terre.

Mais en 1994, il était déjà président du Conseil et ses opposants disaient aussi qu’il allait disparaître. Alors pourquoi disparaîtrait-il aujourd’hui ?

Il n’y avait pas Internet. Avec des réseaux comme Meetup, les choses peuvent changer. Obama s’en est servi, et en Italie, 100 000 personnes utilisent Meetup, et il y en a qui mettent en pratique localement les idées qu’on voit sur mon site.

Que pensez-vous de la licence pour les sites de vidéos sur Internet, annoncée par son gouvernement ?

Ils essayent de contrôler le moyen de communication le plus moderne avec des méthodes vieilles de cinquante ans.

En 2007 et 2009, vous avez organisé le « V-Day », qu’est-ce que c’est ?

Oh, c’est fantastique... Ça veut dire « Va a fa’n culo ! » Je proposais aux gens de signer une pétition pour nettoyer le Parlement [environ 300 000 personnes l’ont signée, ndlr]. Aujourd’hui, il y a une centaine d’élus qui siègent alors qu’ils ont été condamnés.

Vous dites qu’un parlementaire italien sur dix a un casier judiciaire, alors que parmi les habitants du Bronx, seul un sur quinze est dans ce cas. D’où tenez-vous ce chiffre ?

En Italie, il y a vingt députés ou sénateurs condamnés en troisième instance, la plus haute. Il y en a 80 autres qui ont été impliqués dans des affaires aujourd’hui prescrites, ou condamnés à des degrés moindres. Au total, dans les deux chambres, il y a mille élus. Ça fait donc un sur dix.

Pourquoi dites-vous qu’en Italie, le problème n’est pas la mafia, mais le Parlement ?

Parce que les deux se mélangent, se rejoignent. La mafia a été corrompue par le Parlement, par la politique. Quand on parle de la mafia, on pense à des gens comme Totò Riina. Mais maintenant, c’est la deuxième génération de la mafia, celle qui a un master à Harvard.
En terme de chiffre d’affaires, la mafia est la première entreprise d’Italie. Ils viennent aussi ici, en France, alors on dit « attention, attention »...
« Depuis que Sarkozy fréquente Berlusconi, il n’est plus pareil »
[Sans que je lui pose la moindre question, Beppe Grillo enchaîne brusquement sur Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi] Depuis que Sarkozy fréquente Berlusconi, il n’est plus pareil, il se rapproche de Berlusconi, c’est la compétition. Sinon, comment expliquer que Sarkozy ait voulu donner la présidence d’une administration publique à son fils ? Ça, c’est une chose qu’il a forcément apprise de Berlusconi.

Que pensez-vous de Nicolas Sarkozy ?

Je pense qu’il a beaucoup d’accointances avec Silvio Berlusconi, mais qu’il est plus moderne que lui, et plus dangereux. Parce qu’il tourne son économie surtout sur le nucléaire et le militaire, et influence le reste de l’Europe dans cette direction.
Sarkozy est beaucoup plus intelligent et fourbe que Berlusconi. Il sait s’entourer de grand penseurs ou d’économistes comme Amartya Sen ou Joseph Stiglitz, il les intègre dans son idéologie.

Vous êtes une voix citoyenne, vous portez le combat de nombreuses personnes, pourquoi ne pas vous lancer en politique ?

Parce que je suis vieux, et je voudrais voir des politiciens de 30 ans. Avec les listes civiles que nous avons créées, notamment grâce à Meetup, il y a justement des représentants de la jeune génération qui s’engagent.

Quel est le programme de vos listes ?

Il s’appelle le programme des « cinq étoiles », parce que nous voulons cinq choses :
  • Que l’eau soit publique, comme à Paris avec Delanoë. En Italie, la gauche veut privatiser l’eau en la donnant à Veolia.
  • Le recours aux énergies alternatives, géothermiques par exemple.
  • Le tri sélectif, réutiliser les choses, comme cette bouteille de Badoit qu’il suffirait de nettoyer avant qu’elle resserve.
  • Le wifi libre et gratuit, la « citoyenneté digitale », le droit à la connaissance pour tout le monde. Les services peuvent être payants, mais avant tout, il faut que la connexion soit gratuite.
  • La mobilité, les transports électriques, le télétravail, le covoiturage.
« Mon idée, c’est de renverser la politique pour la recréer »

Que répondez-vous à ceux qui vous disent qu’il est facile de critiquer, et moins facile d’agir ?

J’ai critiqué, notamment avec les deux « V Day ». Maintenant, j’agis, je mobilise les gens, pour bloquer l’énergie nucléaire par exemple. Nous organisons une grande mobilisation le 8 mai pour l’arrêt du nucléaire et pour que l’eau reste publique. Nous avons déjà une quarantaine de conseillers municipaux à Bologne, Trévise, Ancône... C’est ça qui fait peur au pouvoir.
En mars, pour les régionales, nous présentons des « listes cinq étoiles » dans sept des seize régions italiennes. Mon idée, c’est de renverser la politique pour la recréer.

En France, il y a très peu d’humoristes engagés comme vous. Connaissez-vous des humoristes français ?

[Long silence] Carla [Bruni-Sarkozy, ndlr] ? Non, je dis ça parce qu’elle a repris une chanson du chanteur Gino Paoli, et que sa reprise était tellement meilleure que l’original que Paoli a fait une dépression. Elle est sympathique. Je ne la connais pas, mais elle me plaît beaucoup.

Vous connaissiez Coluche ?

Oui, j’ai fait un film avec lui, de Dino Risi, « Le Fou de guerre ». Le film est allé à Cannes l’année de la mort de Coluche. Un homme extraordinaire.

Vous êtes un peu comme lui, à la fois humoriste et engagé ?

Oui, mais la différence est que Coluche était fou. Fou dans le bon sens du terme.

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